Site icon Research Media

OMC: 30 ans d’examen des politiques commerciales

TPR anniversary 30 years - WTO

L’OMC a souvent été critiquée pour inciter les pays émergents à renoncer aux tarifs douaniers, pourtant l’une de leurs ressources budgétaires essentielles. Depuis l’élection de Donald Trump et l’accroissement des tensions commerciales avec la Chine, le remplaçant du GATT (l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) est dans un état de paralysie (nous y reviendrons).

Cependant, l’un des mécanismes de l’institution genevoise permet d’exposer et de discuter les politiques commerciales d’un des pays membres qui se soumet à une discussion lors de la présentation du Trade policy review ou l’Examen des politiques commerciales.

Le 27 novembre 2019, l’Organisation Mondiale du Commerce célèbre le 30ème anniversaire de la mise en place de cet Organe d’examen des politiques commerciales”(OEPC).

Depuis 1989, cet organe a publié 485 rapports d’évaluation de l’environnement économique et des choix commerciaux que font les pays membres, un balayage complet du régime d’investissement ou des politiques commerciales par secteur d’activité.

La fréquence de cet audit pour un pays est en corrélation avec l’importance de son économie dans le commerce mondial. Ainsi, les 4 premières économies mondiales sont examinées tous les deux ans. La période s’étend à 4 ans pour les 16 économies qui suivent, et à 6 ans pour tous les autres pays dont la Tunisie, à l’exception de certains des pays les moins avancés, pour qui l’écart entre les audits peut encore augmenter.

Au bout de ce processus d’évaluation, deux rapports sont publiés sur le site de l’OMC : l’un est l’évaluation réalisée par le secrétariat de l’organisation, le deuxième est un “policy statement” émis par le pays examiné. Faire abstraction de la position de l’interlocuteur, l’OMC ou le pays membre, biaiserait sensiblement la compréhension.

Durant son stage d’été au sein de la rédaction, Hena An Hoang Xuang a passé en revue … les reviews! Ci-dessous, un aperçu sur celles de la Tunisie, de l’Union Européenne, des Etats-Unis et de la Chine. Pour ces trois derniers, une attention particulière a été portée sur leurs relations avec la Tunisie, le Maghreb et in extenso l’Afrique.

  

Le rapport du secrétariat:

Le rapport de l’OMC commence par une note positive: La Tunisie est classifiée comme pays ayant un taux d’extrême pauvreté bas (0,7%) et un Indice de Développement Humain très élevé.

Un pays au potentiel prometteur, et à la main d’oeuvre instruite. Mais ce potentiel est ralenti par une économie stagnante, et accablée par un manque de réformes institutionnelles en profondeur (“In fact, trade policy has not been modernized since Tunisia’s last trade policy review (TPR) in 2005, and was not included in the far-reaching reforms introduced following the adoption in 2014, in the wake of the socio-political crisis, of a new Constitution”.)

Il mentionne aussi:

  •  une hausse sensible du chômage, une baisse du PNB, et des investissements étrangers faibles et peu nombreux. Pour l’OMC, ceci est dû à une présence jugée trop importante de l’Etat, qui détient tous les droits exclusifs sur l’accès à l’investissement et qui impose beaucoup de restrictions sur les investissements privés. 
  • Une baisse de la valeur du dinar par-rapport à l’euro (inflation) 
  • Une croissance très faible des transferts de capitaux des Tunisiens vivant à l’étranger.
  • Une aide financière reçue du FMI ($1,8 milliard). Des pays du Maghreb, la Tunisie est celui qui a reçu le plus d’aide financière entre 2005 et 2014.
  • Une compétitivité en baisse, entraînant une diminution des exportations et une hausse des importations.
  • Des taxes douanières élevées sur les produits d’exportation comme le poisson, l’huile d’olive, les dattes, le métal, qui minent la profitabilité de ces produits pour des potentiels acheteurs étrangers.
  • Un considérable potentiel du secteur minier (phosphate, pétrole et gaz en particulier). Ce potentiel prohibé par un présence importante de l’Etat qui détient les droits exclusifs d’importation et de production et qui devient un problème pour son développement. L’OMC recommande de revoir cette politique. 
  • Le rapport parle de l’adoption, en Mars 2014, d’un nouveau décret qui tend à privilégier les produits nationaux. Cependant, il remarque que la part d’approvisionnement accordée par le gouvernement aux entreprises étrangères a brusquement augmenté en 2014 après des années de stabilité. 
  • 2016 : un nouveau plan pour promouvoir les produits destinés uniquement à l’exportation (industrie du textile, hôtellerie, outils électroniques…)
  • 10% des produits nécessitent une autorisation spéciale pour être importés ou exportés 
  • des entreprises agricoles publiques en difficulté (huile d’olive, harissa, dattes, agrumes) 
  • Un secteur touristique, autre fois clé et première source de monnaie étrangère, très impacté par la chute de la demande suite à la révolution et aux événements de 2015.
  • Des mesures industrielles jugées “arriérées”, datant de 2005.
  • Une baisse des taxes douanières en 2016 (de 23% à 9.6%) ce qui devrait améliorer la compétitivité. 
  • Une nouvelle loi sur le partenariat public/ privé (PPP) a été adoptée en 2015 en vue de diversifier et d’augmenter les financements en ayant recours à des investisseurs privés. 

Commerce international et investissement étranger:

  • Espace de libre-échange avec l’UE effectif, et accord de libre échange complet et approfondi en négociation (ALECA), avec Greater Arab Free Trade Area – GAFTA (mais séparément car les pays n’ont pas les mêmes politiques agricoles) et la Turquie. 
  • Pas de nouvel accord commercial depuis 2005 sauf avec l’Iran en 2008.
  • Baisse des tarifs douaniers afin de s’aligner de plus en plus avec l’UE en tant que premier partenaire commercial, en lui donnant accès à des tarifs préférentiels. 
  • Commerce avec le Maghreb en progrès : les ministres du Commerce se rencontrent à raison d’une fois par an (Union Maghrébine : Algérie, Maroc, Tunisie et Mauritanie / Accord d’Agadir : Algérie, Maroc, Tunisie, Jordanie) mais les efforts sont ralentis par l’instabilité politique et économique qui règne dans ses pays. 
  • Des activités commerciales avec des entreprises étrangères limitées par la loi de 1961 (une licence est exigée)
  • Tout importation provenant d’Israël est bannie.
  • Les étrangers ne peuvent pas posséder un terrain agricole tunisien sauf par le biais d’une entreprise cogérée par un citoyen tunisien. 
  • La Tunisie a baissé le montant de ses taxes de protection afin de permettre une meilleure compétitivité des entreprises à échelle nationale et internationale. 
  • Les produits issus de l’agriculture sont très protégés (huile d’olive, vin, sucre, tabac, lait, viande)
  • Interdiction d’accès aux eaux tunisiennes sans permis spécial, les entreprises doivent être d’origine tunisienne et possédées par des Tunisiens à 51%. 
  • Négociations en cours pour une libéralisation des aéroports tunisiens (Open Sky), notamment suite à la chute du nombre de touristes.

Le rapport gouvernemental :

  • De manière générale, le rapport gouvernemental porte surtout sur l’amélioration des conditions de vie des Tunisiens. Dans l’introduction, le gouvernement Tunisien insiste sur « le rôle revitalisant que continue à jouer le commerce international » et en particulier avec l’UE, malgré une chute dans la demande. 
  • Etat des lieux des difficultés économiques tunisiennes : 
  1. Conjoncture Internationale : L’impact de la crise des subprimes en 2008 qui a affecté l’Occident a causé une chute de la demande, en plus de la chute du prix du pétrole dans période 2010-14. 
  2. Contexte Régional : La crise en Libye a donné lieu à des mesure de sécurité supplémentaires (risque de terrorisme)
  3. Conjoncture locale (Nationale): Révolution de 2011, exigence accrue de la part de la population en terme de liberté, de salaires et « de dignité »
  • La Tunisie mentionne les nouvelles lois qui visent à protéger les intérêt des inventeurs et améliorer l’application des normes de protection de la propriété intellectuelle qui permettrait ensuite d’attirer les investisseurs.
  • Développement dit « remarquable » de l’industrie tunisienne grâce à son intégration au commerce international.

Politique de commerce international : 

  • Libéralisation graduelle de l’économie en vue d’une meilleure intégration au commerce mondial. Le rapport dit que ceci aidera à stimuler l’économie, attirer plus d’investissement et favoriser le transfert de technologies en plus de l’amélioration de la politique d’exportation.
  • UE reste le premier partenaire commercial tunisien malgré une baisse des échanges. Les échanges continentaux avec le Maghreb et l’Afrique subsaharienne ont augmenté modestement. Le pays cherche à renforcer le commerce bilatéral avec le Maroc, l’Egypte, la Turquie et la Jordanie (Agadir Agreement), EFTA (European Free Trade Association), GAFTA. 
  • Suite à la conférence de Nairobi, la Tunisie s’est engagée à encourager les efforts pour installer une politique énergétique verte, et prendre des mesures visant à combattre et endiguer le réchauffement climatique. 
Quitter la version mobile