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Tunisie/élections: le seuil électoral de 5% est hâtif et excluant (Présidence de l’ISIE)

“Notre avis est clair: cinq pour cent c’est trop, ceci pourrait exclure les indépendants.” Telle était déjà la position de Mohamed Tlili Mansri, en septembre 2018, lorsque nous l’avions interviewé suite à sa décision de quitter la présidence de l’ISIE. Celui-ci s’exprimait au sujet de l’élévation du seuil électoral de 3 à 5%. Or, l’augmentation a été retenue par la commission du règlement intérieur, de l’immunité, des lois parlementaires et des lois électorales jeudi dernier. A cette occasion nous publions ses propos, d’une actualité brûlante.


Q: Anouar Belhassen membre de l’ISIE a déclaré aux médias que votre mandat en tant que président arrive à terme le 15 octobre. Par la suite, le conseil de l’ISIE nommera Nabil Baffoun pour vous succéder.  Comment voyez-vous cela?

R:  C’est une démission de mon mandat en tant que que président, mais je conserve mon statut de membre au sein de l’instance.
Le dossier a été transmis au parlement comme étant le pouvoir originel en matière de l’entrée en vigueur de la démission et de l’élection du nouveau président. Par conséquent, le conseil de l’instance n’a pas le droit de s’immiscer dans les travaux du parlement. Quant à la durée de mon mandat, elle s’étendra jusqu’à l’élection de mon successeur.
Je ne suis pas attaché à ce poste, considérant que seul le président le pouvoir réglementaire et la possibilité de réaliser des opérations financières, il fallait que la continuité du service soit assurée.
Il y a eu un précédent avec M. Sarsar dont la démission a été immédiate. Il y a eu alors un suppléant parmi les membres de l’ISIE chargé des affaires financières mais pas de président par intérim.

Q: L’augmentation du seuil électoral, l’augmentation du nombre de députés par circonscription, etc. beaucoup de changements pour les règles du jeu électoral.

R: C’est un choix politique. Nous sommes une autorité exécutive. Nous ne faisons qu’appliquer le code électoral en vigueur. Quant à l’augmentation du seul électoral… 5% c’est assez élevé, c’est susceptible de provoquer de grandes exclusions notamment chez les indépendants. Nous avons défendu le maintien des 3%. Il est possible de penser à cela ultérieurement.

Q: En 2011, il n’y avait pas de seuil, en 2014 le seuil a été pensé et appliqué en 2018, l’année prochaine 2019 il se pourrait que les règles changent à nouveau. Pourquoi changer si souvent?
R: La loi ne peut révéler ses défauts qu’après une certaine période d’application. C’est un choix politique, moi, en tant que technicien, je ne peux pas émettre mon avis sur le fond. Mais nous avons considéré que le seuil est trop élevé.

Q: Si le rôle de l’instance est technique uniquement pourquoi tant de débats sur les personnes: quelle différence entre une personne ou une autre au poste de président? Quelle est l’impact du changement du président de l’instance?

R: C’est une des instances les plus importantes en Tunisie. Notre instance a une mission démocratique par essence, donc, la démocratie doit être de mise donc au sein de notre institution. L’élection du président ou d’un membre revient au parlement. Personnellement, je ne me suis pas présenté lors du premier tour pour la présidence de l’instance, j’ai attendu les tours suivants. Je voulais contribuer à débloquer la situation difficile que traversait l’instance.
Cependant les choses ne se sont pas passées aussi bien que prévu. Les membres ne sont pas venus, c’est d’ailleurs ce qui figure dans ma lettre de démission.
Afin d’éviter le blocage, j’ai démissionné pour ne pas bloquer l’instance et préserver les intérêts du pays. La solution est que le parlement parvienne à un accord ou un consensus en identifiant mon successeur parmi mes collègues.
Certains confrères qui sont en place depuis 2011, considèrent qu’ils sont les plus compétents pour la présidence de l’instance. C’est leur droit, peut-être.
Le président est celui qui représente légalement l’instance, c’est le président de son conseil, son ordonnateur (financier), le chef de l’administration, quatre prérogatives considérables. Néanmoins, la loi ne lui donne aucun privilège, elle l’accable de responsabilités uniquement.
Le Parlement doit intervenir pour remédier à cette situation et amender la loi portant organisation de l’ISIE, dans le cas contraire, d’autres membres ou présidents démissionneront. En effet, l’interférence entre les prérogatives du président et du conseil et de la direction exécutive doit cesser. La jalons de la frustration sont là et risquent de perdurer.

Mohamed HADDAD

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