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Tunisie: la soif de justice et la méfiance vis-à-vis des institutions (sondage)

Comment se réconcilier avec son passé? Cette question est au coeur de la transition en Tunisie, pourtant elle est totalement absente de la campagne électorale pour les législatives et présidentielles. Le décès du dictateur Zine El Abidine Ben Ali n’a pas non plus suscité de questionnements sur la prise en charge de son lourd héritage.

Durant les cinq dernières années, la coalition au pouvoir en Tunisie, conçue par feu Béji Caïd Essebsi, a tout fait pour enterrer la justice transitionnelle. Le sujet est pourtant parmi les préoccupations des Tunisiens selon un sondage réalisé par des organisations de la société civile et présenté ce mardi 1er octobre à Tunis.

“La roujou3 – لا رجوع”, lancée à quelques jours des législatives du 6 octobre, vise à ce que les abus du passé ne se reproduisent plus et que la justice transitionnelle revienne au coeur du débat politique. Khayem Chemli, chargé de la justice transitionnelle au sein de l’organisation Avocats sans frontières, a exprimé son étonnement face aux préoccupations des citoyens tunisiens interrogés.

(AUDIO – Arabe – 25″) Khayem Chemli – chargé de la justice transitionnelle au sein d’Avocats sans frontières:

La plupart des Tunisiens, plus de 70%, considèrent que la réconciliation ne doit pas juste se limiter à une décision unilatérale et politique mais, elle doit justement respecter les étapes de la réconciliation et respecter les conditions de celles-ci, c’est un des objectifs de la justice transitionnelle.

Autre révélation du sondage: la confiance des Tunisiens dans les institutions: 3/4 des sondés déclarent ne pas avoir confiance dans le parlement et 2/3 ne pas avoir confiance dans la Présidence de la République.

Même la situation des libertés est perçue de manière négative alors qu’elle s’est pourtant améliorée…

(AUDIO – Arabe – 34″)  Khayem Chemli:

La plupart des Tunisiens que nous avons sondés trouvent que la situation des droits de l’Homme ne s’est pas améliorée ou qu’elle s’est détériorée par rapport à avant la révolution, c’est un chiffre bouleversant car, nous avons toujours cru en tant qu’Etat que nous avons avancé en matière de liberté d’expression ou de lutte contre la torture qui n’est plus si répandue mais dans l’imaginaire des Tunisiens, la situation générale s’est détériorée.

Le déni de justice, une frustration expliquant le vote du premier tour

Les catégories sociales les plus défavorisées étaient sures de leur vote,” affirme Abderrahmane El Hedhili, président du Forum Tunisien des Droits Économiques et Sociaux (FTDES). “Après avoir visité tous les gouvernorats du pays dans le cadre de notre suivi des mobilisations sociales et échangé avec les licenciés du secteur textile, les sans-emplois, les ouvrières agricoles, nous n’étions pas étonnés du tout du résultat des élections” explique-t-il.

Ces personnes soutenant Karoui nous disaient que même s’il est la pire des crapules, ils voteraient pour lui. Il sera donc toujours soutenu.” 

Raoudha Garrafi, présidente d’honneur de l’Association des magistrats tunisiens, se souvient que “Ben Ali ne laissait personne s’approcher des classes populaires. Personne ne pouvait faire du caritatif envers eux, c’est une base électorale essentielle et déterminante. Ce sont ceux-là que Nabil Karoui est allé voir.” 

Les résultats du scrutin du premier tour pourraient être attribuées à l’échec de la justice transitionnelle… à condition que l’on revoie la définition de cette expression.

(AUDIO – Arabe – 29″)  Khayem Chemli :

La justice transitionnelle, ce n’est pas uniquement l’Instance Vérité Dignité, estime Khayem Chemli d’ASF, ce n’est pas juste la réparation financière au profit des victimes, c’est un tout. A chaque fois que nous parlons de la réforme des institutions, c’est au coeur de la justice transitionnelle, à chaque fois que nous parlons de la réforme des services de sécurité et de leur harmonisation avec les droits de l’Homme, c’est ça la justice transitionnelle, à chaque fois que nous combattons la marginalisation et l’inégalité entre les régions, là encore, nous sommes au coeur de la justice transitionnelle.

***

Le site de la campagne: http://laroujou3.com

Les résultats du sondage sur la perception de la justice transitionnelle:

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Mohamed HADDAD

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